Tout savoir sur le contrôle judiciaire ?

28 février 2019

Mardi 19 février dernier, Alexandre Benalla et Vincent Crase ont été placé en détention provisoire pour ne pas avoir respecté leur contrôle judiciaire. Ces derniers, mis en examen dans l’enquête sur les violences lors de la manifestation du 1er mai 2018 à Paris, avaient interdiction de rentrer en contact.

Or, le 26 juillet 2018, quatre jours après leur mise en examen (ainsi que celle de trois fonctionnaires de police) par un juge d’instruction, ces derniers se seraient rencontrés, comme le révèleraient des enregistrements d’une conversation entre les deux protagonistes publiés par Mediapart (dont la source demeure aujourd’hui inconnue).

Cette actualité est l’occasion de revenir sur cette notion de contrôle judiciaire ainsi que les sanctions prévues par la loi en cas de violation de celui-ci.

Le contrôle judiciaire, qu’est-ce que c’est ?

Prévu aux articles 137 et suivants du Code de procédure pénale, le contrôle judiciaire est une mesure d’exception, restrictive de liberté, qui peut être prise par un magistrat à l’encontre de personnes mises en examen (dans le cadre d’une information judiciaire) ou en attente de leur procès (dans le care d’une enquête préliminaire) et dont l’infraction reprochée est passible d’une peine d’enfermement.

Elle permet d’astreindre le mis en cause à certaines obligations (voir par ailleurs).

En quoi est-ce une mesure d’exception ? La liberté, dans le cadre d’un dossier pénal, demeure la règle de principe alors que la restriction de liberté, comme l’est le placement en détention provisoire ou le contrôle judiciaire, demeure l’exception, ne pouvant être décidé qu’en raison des nécessités de l’enquête ou qu’à titre de mesure de sûreté.

Qui décide et fixe le contrôle judiciaire ?

Restrictive de liberté, le contrôle judiciaire est nécessairement ordonné par un magistrat, en général le Juge des libertés et de la détention (JLD), selon le type d’enquête diligenté.

  • Si l’enquête est entre les mains du Parquet dans le cadre d’une enquête préliminaire, le Procureur de la République sollicitera du JLD le placement de la personne suspectée sous contrôle judiciaire jusqu’à son procès. Le JLD, libre et indépendant, l’accordera ou le refusera.
  • Si l’enquête a été confiée par le Procureur à un Juge d’instruction, ce dernier pourra décider de placer une personne en examen sous contrôle judiciaire, après avis du Procureur. Le Juge d’instruction devra alors saisir le JLD, lequel prendra la décision du placement ou non.
  • Si la personne mise en cause est un mineur, le contrôle judiciaire pourra être décidé par le juge des enfants.

Quelles  obligations peuvent être imposées dans le cadre d’un contrôle judiciaire ?

La liste exhaustive des obligations du contrôle judiciaire que peut imposer un juge est énumérée à l’article 138 du Code de procédure pénale (https://urlz.fr/905Y). Elles sont généralement classées en plusieurs types, à savoir :

  • Une restriction de la liberté d’aller et venir : interdiction de sortir de certaines limites territoriales, interdiction de s’absenter de son domicile, interdiction de se rendre dans certains lieux, obligation de se rendre de façon périodique au commissariat de police etc ;
  • obligation de suivi médical : soins, prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ;
  • obligations financières : versement d’une caution ;
  • Interdictions diverses : interdiction de conduire un véhicule,  de détenir une arme ou d’émettre des chèques.

Quand s’arrête le contrôle judicaire ?

Le contrôle judiciaire prend fin après le procès et ce quelle que soit son issue.

Il peut également faire l’objet de modifications ou d’une mainlevée, partielle ou totale, au cours de l’enquête et avant le procès (art. 139 du Code de procédure pénale).

Le tribunal correctionnel pourra décider de maintenir les obligations du contrôle judiciaire dans deux situations :

  • Lorsque le procès est, pour une raison ou une autre, le jour de la convocation par exemple, reporté  une date ultérieure.
  • En cas de condamnation du mis en cause à un sursis et mise à l’épreuve.

Quelles sont les conséquences du non-respect du contrôle judicaire ?

Aux termes de l’article 141-2 du Code de procédure pénale, dans le cas où la personne mise en examen viole délibérément les obligations du contrôle judiciaire, le JLD peut décider de placer la personne en détention provisoire.

En effet, aux termes de l’article 144 du Code de procédure pénale, la détention provisoire peut être ordonnée dans tous les cas où « elle constitue l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs » prévus par le texte, à savoir : la conservation des preuves ou indices ; empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ou leur famille ; empêcher une concertation entre le mis en examen et les coauteurs ou complices ; la protection du mis en examen ; garantir le maintien du mis en examen à la disposition de la justice ; mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ; mettre fin au trouble à l’ordre public.

En outre, la détention provisoire ne pourra être décidée, en tant que mesure d’exception, que si les objectifs énumérés précédemment ne peuvent être atteints par une mesure de placement sous contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique.

Dans l’affaire Benalla, la révocation du contrôle judiciaire et le placement en détention provisoire étaient donc juridiquement totalement fondés. En revanche, il est évident qu’une telle décision n’a probablement pas été justifiée pour les motifs prévus par le Code, mais probablement surtout pour représenter un exemple dans un dossier ultramédiatisé. 

La violation du contrôle judiciaire est très fréquente dans les dossiers pénaux. Pourtant, les praticiens de la matière vous confirmeront qu’il est particulièrement rare qu’un contrôle judiciaire soit révoqué. Il est même très rare que le juge se saisisse de cette violation alors qu’il en a été informé par les instances chargées du respect du contrôle judiciaire.

Pour compléter votre lecture, une petite fiche complémentaire de notre Ministère : https://urlz.fr/905F